L’art a été utilisé pour communiquer les préoccupations environnementales dans les pays sahéliens. Néanmoins, le dialogue dirigé par les arts entre les acteurs politiques et les citoyens est cependant rare, bien qu’il ait le potentiel de trouver des solutions aux problèmes socio-environnementaux complexes. Il est indispensable d’exploiter ce potentiel, alors que des défis, tels que le changement climatique, s’accélèrent et touchent les populations. La sensibilisation aux processus de dialogue menés par les arts pourrait être renforcée, parallèlement à davantage de recherches sur les contextes dans lesquelles ils sont appropriés et sur la meilleure façon de les utiliser.
Messages clés
Au Sahel la communication par les arts a servi à diffuser les inquiétudes des artistes et des citoyens sur les questions environnementales, mais rarement pour promouvoir le dialogue entre ces groupes et les acteurs politiques. Les facteurs qui limitent le dialogue incluent :
Par conséquent, le dialogue par les arts n’est pas toujours approprié. Pourtant, lorsqu’il est animé par l’humour et des exemples efficaces, il peut créer un espace détendu pour une délibération intersectorielle. Des recherches supplémentaires sont requises pour indiquer quand un tel dialogue pourrait être approprié et comment il peut être facilité au mieux.
Le potentiel de l’activisme artistique collaboratif : une interrogation
Dans le Sahel occidentale, les arts sont utilisés pour communiquer des messages d’inquiétude sur les questions environnementales et sociales – qui sont considérées comme intégralement et inextricablement liées. En théorie, ces oeuvres d’art pourraient susciter une réponse émotionnelle de la part du public qui ferait pression sur les acteurs politiques pour qu’ils s’engagent dans le processus de communication. Cependant, il est rare que différents groupes collaborent à des oeuvres d’art ou utilisent des méthodes artistiques comme moyen de dialogue ou de délibération, comme cela s’est produit ailleurs dans le monde.
Ce projet, Voix Citoyenne : Façonner les processus politiques par la voix des citoyens en Afrique de l’Ouest francophone : les arts comme vecteur de co-construction des connaissances, visait à comprendre dans quelle mesure le dialogue mené par les arts pourrait être utile à l’avenir pour stimuler les discussions entre les citoyens, les artistes et les acteurs politiques sur les questions environnementales dans le Sahel occidental. Les formes d’engagement que nous considérons comme un « dialogue mené par les arts » comprennent la création ou l’utilisation d’oeuvres d’art pour susciter les discussions entre des groupes disparates, et la mise en place d’activités où plusieurs groupes travaillent ensemble en tant qu’artistes amateurs pour cocréer des oeuvres d’art sur un thème d’intérêt.
Les risques encourus dans la mise en oeuvre de l’activisme artistique
Certains artistes et représentants de la société civile interrogés ont mentionné des contextes politiques dans lesquels il peut être difficile d’exprimer des opinions controversées ou des plaintes, en raison de conflits potentiels avec les autorités. Par conséquent, la communication sur les questions environnementales a été, jusqu’à présent, plus efficace lorsque les artistes qui ont déjà une relation avec des groupes puissants, par exemple en travaillant avec le gouvernement pour promouvoir des messages politiques. Cependant, cela signifiait que les messages de certains artistes ne sont pas pris en compte et que des acteurs puissants pourraient essayer de faire taire les voix militantes des artistes, qui travaillent avec eux. Bien que les médias sociaux soient devenus très répandus et qu’ils puissent faciliter la diffusion d’un plus large éventail de voix, les inégalités d’accès et de culture numérique réduisent actuellement l’efficacité de ce média. Il y a donc un compromis à faire entre amplifier une « voix citoyenne » non diluée à travers les arts et essayer de trouver une résonance dans le contexte politique dominant.
Obstacles aux nouveaux modes de dialogue
Il n’est pas très courant que des personnes issues de différents secteurs, tels que des groupes de citoyens, des bureaucrates et des artistes, travaillent ensemble en général. Il n’est pas, non plus, facile de favoriser le dialogue et la réflexion à tous les niveaux dans le contexte du Sahel, où les hiérarchies professionnelles et sociales sont souvent profondément ancrées. Ainsi, le dialogue, sans parler des nouveaux modes de dialogue par les arts, est difficile. La communication à sens unique est plus habituelle. C’est peut-être la raison pour laquelle l’art militant transmet souvent un message simple et sans ambiguïté, composé d’opinions et de directives, plutôt que des commentaires et des invitations à la réflexion.
Adaptations et compétences nécessaires
Le dialogue mené par les arts peut donc ne pas être approprié dans tous les contextes, en raison des hiérarchies établies et des distinctions sectorielles, ainsi que des risques auxquels les citoyens et les artistes pourraient être confrontés lorsqu’ils expriment des opinions controversées ou contestataires. Il sera peut-être plus approprié de maintenir un mode plus conventionnel de « communication » à sens unique en utilisant les arts pour transmettre les messages d’un groupe donné. Pourtant, la communication conduit parfois au dialogue, il est donc possible qu’une telle communication soit utilisée comme un précurseur de la réflexion et délibération. Lorsqu’une délibération mené par les arts est tentée, il est important d’être réaliste quant à la vitesse à laquelle elle peut être mise en oeuvre, compte tenu de la nature lente et à étapes successives du processus, qui est susceptible de de nombreux engagements et donc de nombreuses ressources.
Il sera également important de prêter attention à la compétence de l’artiste, et de l’animateur, qui peuvent être la même personne. Non seulement les compétences artistiques sont essentielles pour créer des pièces de communication dotées de qualités esthétiques permettant de susciter une réponse affective, mais il sera également important pour un artiste-animateur d’avoir une approche très convaincante et éventuellement de maîtriser l’humour dans des contextes où le dialogue est difficile. Toutefois, dans les cas où cela peut être réalisé, il est possible de tester le dialogue mené par les arts, par exemple par la cocréation d’oeuvres d’art par plusieurs groupes. Cela peut conduire à une atmosphère détendue où les gens sont prêts à s’engager dans des discussions au-delà des clivages sur des questions socio-environnementales d’intérêt commun.
Recommandations
- Explorez les contextes dans lesquels un dialogue mené par les arts pourrait se dérouler en toute sécurité, et la meilleure façon de le mener pour être efficace.
- En recrutant des artistes pour transmettre vos messages au public et aux acteurs politiques, vous pouvez augmenter l’impact émotionnel et susciter la réflexion parmi ces publics. Envisagez d’inclure une dimension artistique dans vos actions de sensibilisation auprès des acteurs politiques, comme des oeuvres d’art inspirées par les interactions des artistes avec ceux que vous représentez, ou des séances de dialogue dirigées par des artistes et impliquant le public et les acteurs politiques.
Acteurs politiques : En engageant un dialogue avec les citoyens et les activistes-citoyennes sur des questions politiques clés par le biais de l’arts et facilités par des artistes ou des chercheurs, vous obtiendrez une meilleure compréhension des opinions du public et/ou améliorerez l’efficacité de vos messages.
– Artistes : Sur les questions qui vous tiennent à coeur, envisagez d’offrir vos compétences et votre plate-forme à des groupes communautaires ou à des acteurs politiques qui cherchent à transmettre des messages dans plusieurs secteurs. Envisagez une formation en facilitation à l’animation pour renforcer l’efficacité de votre contribution.
– Tous : Créez ou rejoignez des réseaux concernés par le dialogue mené par les arts, par exemple le Réseau panafricain pour les arts dans le développement écologiquement durable.